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Isaac Bashevis SINGER

prix Nobel 1978

 

“Pour son art narratif plein des passions qui, plongeant ses racines dans une tradition culturelle judéo-polonaise, incarne et personnifie la condition humaine universelle.”



Présentation : Florence Noiville, auteur de "Isaac B.Singer", prix du récit biographique et de "La Donation", et journaliste au Monde.


Isaac Bashevis Singer naît le 14 juillet 1904 dans une famille juive installée depuis des années sur le bord de la Vistule. Il a une sœur et un frère aîné, Hindele Esther (née en 1891) et Joshua (né en 1893), et un jeune frère, Moishe né en 1906. Sa mère est fille de rabbin, et son père, Pinkas, lui-même rabbin, descend de Baal Chem Tov, le fondateur du hassidisme. Singer passe la grande majorité de son enfance dans la rue Krochmalna à Varsovie, principalement habitée par des Juifs de condition très modeste. Elle lui inspirera Le petit monde de la rue Krochmalna (1991 en français).


La maison des Singer est très modeste, les habitants de la rue Krochmalna viennent demander à son père des conseils sur leurs problèmes conjugaux et les querelles familiales. C'est en résolvant ces conflits que Pinkas reçoit de l'argent pour nourrir sa famille. Le petit Isaac se cache pour écouter ces histoires. Au Tribunal de mon père (1966) et De nouveau au tribunal de mon père naîtront de ses souvenirs d'enfance. Dans la maison Singer, le judaïsme est présent partout. Les enfants n'ont pas de jouets. Leur soeur Hindele déteste les tâches réservées aux femmes et rêve d'étudier comme ses frères. Singer s'est probablement inspiré de sa soeur pour créer le personnage de sa nouvelle Yentl, il a dédié un livre à sa mémoire : La séance (1968). Hindele souffrait des nerfs et faisait des crises d'épilepsie. Une fois adulte, elle traduira Dickens et de Shaw en yiddish.


Joshua, le frère aîné, destiné à devenir rabbin, se révolte très tôt contre la foi paternelle. En 1914, il coupe ses papillotes et quitte la maison familiale. La révolte de Joshua trouble profondément Isaac. Comme lui, il se plonge dans la lecture de Spinoza, Gogol, Dostoïevski et Tolstoï. Joshua se met à écrire des nouvelles et Perles connaît un grand succès en 1920. Il écrit également dans la presse juive, notamment dans le literarishe Bletter. Joshua introduit Isaac dans les milieux littéraires et lui obtient une place de correcteur dans ce journal. Les deux frères fréquentent le Club des écrivains de Varsovie.


Singer met au point son propre système de croyances fait de mysticisme et de scepticisme. En 1929, il a une liaison avec Rachel Poncz. De leur amour, naît Israël. La même année, Pinkas Singer meurt. A présent célèbre dans le milieu littéraire de Varsovie, Joshua devient le correspondant polonais du grand journal américain, le Jewish Daily Forward (Forverts en yiddish), et publie Yoshe le fou en 1932. Le public connaît uniquement Isaac en tant que "frère de l'écrivain Joshua Singer". Mais il a déjà écrit son premier roman, La corne du bélier.


Devant la montée du climat antisémite en Pologne et l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne, son frère aîné Joshua s’expatrie emmenant sa femme et son fils à New York, puis, en 1935, il fait venir Isaac qui promet à Rachel de la faire venir aux Etats-Unis avec Israël, leur enfant, qui a 5 ans. Cela ne se produira jamais. Rachel, alors communiste, part en URSS avec son fils. Puis, leur route leur mènera en Palestine.


Les premières années de Singer aux Etats-Unis sont difficiles. Déraciné, il éprouve des difficultés à s'adapter au mode de vie américain. A New York, les parents juifs n'enseignent plus le yiddish. Mais Singer refuse de laisser mourir sa langue. Le Messie pécheur, son premier roman publié en Amérique, est un échec. Singer vit grâce à son métier de correcteur au Forward tout en continuant à publier des nouvelles dans le même journal. En 1937, il rencontre et épouse Alma Haimann, une Juive originaire de Munich. Ce mariage durera jusqu'à sa mort. En 1944, Joshua Singer meurt d'une crise cardiaque. Bizarrement, c'est après ce décès que Singer commence à écrire des livres à succès.


En 1943, il obtient la nationalité américaine et publie La Famille Moskat. Il devient très productif : il aura publié dans le Forward 121 nouvelles dont les célèbres Gimpel le naïf et La Brève journée du vendredi. Les années suivantes Singer publie des romans en feuilleton L'Oncle d'Amérique (1949-1951), Les Ombres de l'Hudson (1957), Le bateau pour l'Amérique (1958), Le magicien de Lublin (1958), L'esclave (1960), Spinoza de la rue du marché (1961) et plus tard, Le manoir (1966) et Le domaine (1969). Singer écrit exclusivement en yiddish. En 1953, Saul Bellow traduit en anglais Gimpel le naïf. La nouvelle connaît un énorme succès et touche un large public. Les œuvres de Singer sont traduites en anglais. C’est à partir de cette traduction qu’elles sont ensuite traduites dans les autres langues. Singer sait que la traduction ne met pas en valeur l'oeuvre de l'écrivain. Aussi dès la Famille Moskat, il travaille avec les traducteurs. Il a surveillé chaque traduction de ses oeuvres en anglais.


Dans ses romans et ses nouvelles, Singer ne parle jamais directement de la Shoah. Il met en scène le petit monde polonais juif de son enfance qui a disparu. Il raconte également la difficile adaptation des immigrants juifs aux USA. Il n'hésite pas à raconter certains moments de sa vie comme dans son roman le plus autobiographique, Le Certificat (1967). Ces livres mettent en scène des personnages déchirés entre les croyances traditionnelles et un mode de vie moderne. Singer décrit des personnages en proie à toutes sortes de passions. Certaines nouvelles sont empreintes de fantastique avec la présence d'esprits et de fantômes. C'est pourquoi l'oeuvre de Singer est universelle et peut toucher un public juif comme non-juif, la mémoire étant son principal matériau littéraire. Singer refuse de retourner en Pologne même des années après la guerre.


Israël, son fils de 25 ans, vient lui rendre visite à New York en 1955. Leurs rapports restent froids. Pourtant Israël traduit en hébreu à partir de l'anglais un roman de son père Ennemies, une histoire d'amour (1972).


Singer continue à écrire en yiddish pour le Forward mais ses nouvelles sont traduites en anglais dans le Saturday Evening Post et le Chicago Tribune. Dans les années soixante il écrit des contes pour enfants dont le plus célèbre est Zlateh la chèvre (1966).


Les prix arrivent avec les années 70 : Le National Book Award en 1970 et en 1974 avec Une couronne de plumes.. En octobre 1978, Singer reçoit le Prix Nobel de Littérature, année de la publication de Shosha et d’Un jeune homme à la recherche de l’amour. Il est le premier écrivain de langue yiddish à recevoir ce prix. A la fin de sa vie, il s'affaiblit beaucoup et souffre d'une maladie de la mémoire, un comble pour lui qui a fait de la mémoire son instrument littéraire.


Isaac Bashevis Singer meurt le 24 juillet 1991, à Miami (E.U.)